Chers éditeurs, le suicide n’est pas une solution

Le vendeur qui ne voulait pas vendre

Il m’est arrivé ce week end une aventure hélas terriblement commune… Je parcours une formidable librairie-tartinerie dans la petite ville de Saran quand je tombe sur un livre qui m’a l’air tout à fait passionnant et qui ferait un très bon sujet pour un prochain PodcastScience.

Ce livre, « Histoire populaire des sciences » traite de l’impact des « petites gens » dans l’histoire des sciences, je n’en dit pas plus, j’aurais pour sûr l’occasion d’en reparler. L’ouvrage est facturé un peu plus de 25€, prix moyen pour ce type de format et d’épaisseur : 500 pages, 22 sur 16 centimètres. C’est lourd, c’est gros et on a pas envie de l’abimer. Vous le connaissez, c’est ce livre génial, que vous avez acheté il y a plusieurs années déjà et que vous n’avez jamais eu le temps d’ouvrir car il n’est jamais là au moment ou vous êtes apte à l’ouvrir et à parcourir ses 500 lourdes pages.

Heureusement, parmi les dernières grandes innovations de notre monde contemporain, il y a l’ebook. Je vois venir les critiques :
– Je n’ai pas l’odeur des pages
– Je n’ai pas la sensation de tourner les pages et son doux bruit
– L’écran ça fait mal aux yeux

Ces critiques sont quand même marrantes, c’est un peu comme si on critiquait le mp3 parce qu’on n’entend plus le mange disque avaler le disque et la tête de lecture se déplacer le long du disque… Pour l’écran, c’est vrai quand il est éclairé, ce n’est donc pas vrai dans les ebooks qui présentent malgré tout quelques avancées notables :

– On ne perd jamais sa page
– Pas d’encre sur les mains
– Un livre toujours léger et petit
– Une possibilité de surligner des passages et de prendre des notes. Et surtout de les retrouver très facilement
– Un livre enrichi : possibilité de chercher dans le livre, de chercher des définitions, dans les dernières versions, de même savoir ou est quand est apparu un personnage…

En bref, l’ebook est une des plus grosses innovations pour la lecture depuis très longtemps et sans aucun doute un bien plus grand progrès encore que le livre de poche. Et les lecteurs ne s’y sont pas trompés, le marché des ebooks explose aux Etats-Unis. Mieux encore, chers éditeurs, les utilisateurs d’ebook sont de gros lecteurs, et ça je vais en reparler tout de suite.

Mais revenons d’abord à mon histoire. Je pars donc à la recherche de la version ebook du livre trouvé….

 

 

 

… RIEN!

Eh non, comme beaucoup trop de livres en français, il ne sont tout simplement pas disponibles en version numérique.  L’auteur n’étant pas français, je pars à la recherche de tous ses ouvrages. Et bien entendu, comme toujours je tombe sur l’ebook en VO au prix de 10€ soit deux fois et demi moins cher!

Bilan des courses, partant avec la ferme intention d’acheter l’ouvrage en français à un éditeur français, je repart gagnant avec la version originale beaucoup moins cher. Et ce n’est pas une exception mais bien une généralité.

 

Etat des lieux

Comme dans le cas du disque il y a quelques années et le cas des séries et film encore aujourd’hui, on est donc devant des consommateurs qui ne demandent qu’à consommer et des vendeurs qui le leur refusent. Ceux-ci croient fort naivement qu’ils forceront alors l’achat d’autres marchandises mais poussent au contraire à l’achat chez d’autres acteurs plus intelligents voire même au piratage.

S’il est compréhensible que la plupart des vieux livres ne soient pas numérisés, il est totalement incompréhensible que les plus récents ne le soient pas systématiquement. Et pourtant, pratiquement aucune sortie théâtrale n’est disponible en version numérique par exemple. Alors que c’est un réel plaisir de travailler son texte sur un ebook afin de pouvoir librement se déplacer en lisant le texte sans devoir batailler avec des feuilles photocopiées et surlignées. Quelle grande joie de pouvoir annoter son texte des remarques du metteur en scène de manière lisible. L’ebook pourrait se rêvéler redoutable pour le travail théâtrale pour peu que les éditeurs jouent le jeu.

Les gros livres sont souvent de beaux objets et sont très certainements les livres qui perdureront parce que, comme pour la musique, ils apportent une réelle valeur ajoutée par rapport au numérique. Mais soyons honnêtes, ces livres ne sont pas lisibles en entier, ils sont tout au plus consultables. En version ebook on atteint le meilleur des deux mondes, une belle édition papier chez soi pour la consultation et une édition numérique dans les transports pour la lecture. Reste que la plupart des livres au format non poche ne sont pas disponibles, et ce du fait d’éditeurs à coté de la plaque :

  • Les excellents livres scientifiques de Belin Pour la science ne sont jamais disponible en édition numérique
  • Actes sud, souvent éditeur de livres uniques ne propose pas de titres en numérique
  • De manière plus étrange, certains livres récents chez Grasset et Dunod comme « le théorème vivant » n’existent pas en numérique alors que d’autres si…
  • etc.

Cher éditeurs, comme d’autres, je ne demande qu’à acheter vos ebook alors merci de les mettre en vente plutôt que faire une resistance futile envers un futur d’ores et déjà présent.

En moins d’un an, j’ai acheté sur ma liseuse 177 livres (oui consommation un poil compulsive, principalement due à l’offre éclair quotidienne d’amazon mais aussi un peu à la réalisation de dossiers PodcastScience) et je ne suis même pas sûr d’en avoir acheté autant en papier durant toute ma vie. Ne vous plaignez donc pas des temps durs et passez au présent.

Conclusion

En conclusion, je vous propose l’avis d’un membre de la caste des lecteurs à la sortie du livre de poche, et en dessous l’avis de Beigbeder sur les ebook. Je vous laisse juger vous-même du parallèle.

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Bonus

Très certainement du fait de la loi française qui impose le prix du livre, l’offre éclair d’amazon est très souvent de bien plus mauvaise qualité en français qu’en anglais. On atteint parfois des extrêmes surprenant comme ici.

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Je vous conseille le livre anglais sur les startups, beaucoup moins le livre en français.

 

 

Comments

  • Alan Vonlanthen 26 Avr ’13 Répondre

    Tellement… Sur les avantages de l’ebook, on peut ecore en ajouter un ou deux!

    – Tu trimballes toute ta bibliothèque avec toi en permanence. Tu cherches un passage qui t’a marqué, une citation, une idée que tu as besoin de retrouver et tu sais qu’elle est forcément là dans les quelques grammes que pèse ta liseuses. Ça a changé ma vie.

    – Le Kindle (je ne sais pas pour les autres marques?) propose la synchronisation du point de lecture. Tu poses ton kindle sur ta table de chevet le soir avant de t’endormir… Et le lendemain, quand tu t’emmerdes dans une file d’attente, tu peux reprendre ta lecture exactement là où tu l’avais laissée depuis, par exemple, ton téléphone portable. Je m’enfile une quantité astronomique de bouquins depuis que j’ai accès à ce système.

    – Tu ne ne tiques pas le poignet quand tu lis des pavés…

    Ceci dit j’y vois aussi 1-2 inconvénients

    – Encore trop de bâtons dans les roues. DRM, propriété des livres achetés, interdiction de prêter, d’échanger, de donner… Je ne sais pas au final qui est propriétaire des ebooks que j’ai acheté ni si j’aurai accès toute ma vie à ma bibliothèque en ligne. C’est chiant. Du coup, je dé-dérémise tout juste au cas où. C’est chiant. Mais on en revient au problème n° 1, les éditeurs qui se suicident et ne voient pas pourquoi on pourrait vivre en paix pendant ce temps…

    – On ne sait plus ce que lisent les gens dans le train ou dans le métro. C’est con, mais j’aimais bien voir les couvertures des livres papier, c’était parfois inspirant. A quand un kindle dont le dos change en fonction du livre lu?

    – C’est difficile à feuilleter et tu ne peux pas vraiment l’ouvrir au hasard. Pour les livres faits de petites histoires qui pourraient se lire dans le désordre, d’ailleurs, c’est un peu plus compliqué à gérer sur ebook qu’en version papier…

    – On subit encore ces stupides guerres de formats et d’incompatibilités entre les fournisseurs et les liseuses. C’est chiant.

    (Voilà, la démonstration que je ne suis pas juste un fanboy est faite, on peut poursuivre 😉 )

    Bref, 100% d’accord avec toi. Merci de ce billet qui pointe du doigt l’absurdité de la situation. On refuse de te vendre les bouquins qu’on te reproche ensuite de n’avoir pas lu…

    • Nicolas Tupégabet 26 Avr ’13

      D’autant que tout le monde sait que les DRM n’ont pas d’avenir. Les éditeurs jouent de manière stupide la montre quitte à attendre tellement qu’ils ne se relèvent pas…

  • Régis 29 Avr ’13 Répondre

    La remarque sur la loi du livre est très pertinente. Ce qui me fait acheter des jeux sur Steam ou des applications sur Google Play, c’est dans 80% une promo qui m’intéresse…

    • nicotupe 13 Mai ’13

      C’est vrai avec le défaut que sur steam comme sur google play, je passe mon temps à acheter des trucs que je n’utilise pas…

  • Tzsil 13 Mai ’13 Répondre

    Le livre numérique est à mon sens l’une des inventions majeures de ces dernières années (mêlée à l’encre électronique (et pas la tablette)). Il faut simplement espérer que l’on ne perdra rien en route. Il y a ce qu’a dit Alan, avec certains éléments qui certainement vont disparaître. Et aussi des choses comme la mise en page, par exemple. Bien sûr, ce n’est pas le cas de la majorité des livres, mais je pense à des ouvrages comme « Gödel, Escher, Bach », qui ne cessent d’utiliser l’espace de la page. Il serait dommage de revenir à du texte seul quand le papier permet de s’amuser.

    Quant aux avis, bon, celui de Beigbeder tourne à vide, avec des arguments venteux.
    Pour ce qui est de ce lecteur, sa manière d’être et de parler nous rebute, mais sa dernière idée n’en est pas moins intéressante. Je ne pense pas me tromper en disant que l’on a tendance aujourd’hui, bien plus qu’avant, à se croire capable de juger quoi que ce soit (ne serait-ce que par l’intermédiaire de systèmes de commentaires). En soi, ce n’est pas un problème : le problème, c’est que croire savoir n’est pas le meilleur moyen d’être ouvert à l’apprentissage.

    Un bien chouette blog que je découvre. Bonne suite.

    • nicotupe 13 Mai ’13

      Les ebook permettent tout à fait cette mise en page exotique même si dans les faits c’est peu utilisé aujourd’hui. Par contre « Gödel Escher, Bach » est typiquement le genre de livre qui m’a donné envie d’écrire cet article. C’est bien parce qu’il n’existe pas en édition électronique que je ne l’ai pas encore lu et surtout que je ne sais pas bien ce que j’ai lu et ce que je n’ai pas lu… Il est tellement gros que je ne le prend jamais avec moi et tellement dense et bien organisé que je le lit dans le désordre.

      Et je pense aussi que c’est ce genre d’objets qui empêcheront le livre physique de disparaitre (non, je ne suis pas contradictoire!). Il faudrait juste une notion de license, où l’on récupère la version électronique d’un livre quand on l’achète en version papier…

      Pour ce qui est de l’histoire de croire savoir, c’est en effet quelque chose qu’on observe souvent mais de mon point de vue c’est décoléré de l’accès au savoir. Ce n’est pas parce que plus de gens accèdent au savoir qu’ils se croient à même de tout pouvoir juger. C’est à mon avis plus du fait que ceux qui « donnent l’exemple », critiques télévisuels par exemple, sont de plus en plus dans ce cas : à ne pas avoir lu le livre ou trop rapidement pour l’avoir compris et par contre se sentent pleinement légitimes à juger. Le plus parfait exemple de cette médiocrité est à mon goût est Eric Naulleau.

      Merci pour ce commentaire et content que le blog te plaise!

    • Tzsil 15 Mai ’13

      Tant mieux pour la mise en page. Il est vrai que j’ignore les restrictions et possibilités du format epub (et autres), et que j’ai été bien bête de croire inconsciemment qu’il n’était pas possible de faire de belles choses. Cela ne tenait qu’au fil illusoire de l’inductivisme, à l’observation de tous ces portages numériques faits à la va-vite.

      Le mauvais exemple : tout à fait !
      Reste que cette idée de bibliothèque d’Alexandrie à portée de main ne me paraît pas bonne en elle-même : l’accessibilité à tout peut faire glisser vers une conception nivelée de la culture, vers une idée de quantité plus que de sélection. Ce qu’il faudrait, c’est une éducation au tri, un apprentissage de la navigation sur océan. Et éviter la boulimie de l’instantané. Des profs qui apprennent à apprendre autant qu’ils apprennent (ça m’a l’air tout à fait clair). Et pas seulement des profs, d’ailleurs, tout le monde (entier, oui oui).

      C’est un peu loin du sujet (et encore, j’étais parti sur les avantages et inconvénients de la multiplication des choix).

    • nicotupe 16 Mai ’13

      Après vérification, il est vrai que des mises en pages exotiques sont pas hyper bien gérées par les ebook (elles sont liées au type de machine utilisée), je me suis un peu emballé sur ce coup là.

      Sur cette histoire de tri, c’est vrai que la masse de possibilités peut être déroutante mais j’ai l’impression que là aussi, on est mieux lotis de nos jours que dans les temps passés : entre les réseaux sociaux et assimilés pour avoir des retours d’autres lecteurs (amazon.fr, goodreads, etc.) et des nouveaux outils d’une efficacité redoutable pour fouiller dans un bouquin (recherche de mots, passages surlignés par beaucoup de lecteurs ou sur les derniers kindle x-ray). Pour ma part, je trouve plus rapidement ce que je cherche et souvent du meilleur contenu que lorsque j’allais en librairie (quand bien sur ce contenu existe en numérique… typiquement en théâtre ce n’est pas le cas).

      Mais bon c’est vrai que tout ça ne fonctionne pas pour les « beaux livres » qu’à mon sens on prendra toujours plaisir à feuilleter et à acheter sur ce bon vieux support papier…