[Lyon science] Amour mathématique

Billet présenté dans le cadre de l’event #LyonSci2015 le 21 mars 2015 et publié simultanément sur www.podcastscience.fm et www.lyon-science.fr


Au début du mois de février, je suis redevenu célibataire. Ca y est, j’ai terminé les 4 relations nécessaires pour mettre fin à cet étalonnage de 37%. Ne faites pas une tête offusquée, c’est une analyse parfaitement rationnelle de la situation.

Les règles sont simples, quand on rompt avec quelqu’un, on ne peut pas revenir avec (ne faites pas la tête, on a tous essayé, on sait tous que c’est une mauvaise idée). Ainsi, trouver la femme ou l’homme de votre vie appartient à la famille des problèmes d’“arrêt optimal” : a quel moment doit-on décider qu’on a trouvé l’âme soeur et commencer à construire l’avenir? En fait, ce problème est un problème connu et la probabilité de trouver la bonne personne en fonction du nombre de personnes que l’on rejette est facilement calculable.

En vous passant les détails calculatoires (que vous pouvez trouver ici), il vous faut d’abord rejeter 37% des personnes que vous rencontrez dans votre vie puis choisir la première personne meilleure que ces premiers 37% rejetés pour maximiser ses chances de trouver l’âme soeur.

Ainsi, si vous envisagez de rencontrer au maximum 10 personnes dans votre vie, il faut d’abord rejeter les 4 premières puis choisir la première des 6 restantes mieux que ces 4 premières rencontres. Donc maintenant que j’ai cet échantillon de 4 personnes, il me reste à rencontrer les 6 suivantes et j’aurais trouvé l’âme soeur.

Alors, comme nous sommes à Lyon, essayons de voir ce que je peux trouver. Grace à Peter Backus nous avons maintenant justement une équation pour ça. Si vous connaissez l’équation de Drake qui permet d’estimer le nombre de civilisations extraterrestre dans l’univers, le principe est a peu près le même… En remplaçant bien sur le nombre de civilisations extraterrestres par le nombre de petites amies potentielles à Lyon! Il propose donc dans son excellent article “Why I don’t have a girlfriend: An application of the Drake Equation to love in the UK” l’équation suivante :

<3 = F . O . U . D . R . E

où :

  • F : Le nombre de personnes vivant en France : 66 millions
  • O : le taux de la population française qui est de sexe féminin, à savoir 51%
  • U : le taux des femmes françaises qui vivent à Lyon, 0.8%
  • D : le taux de femmes à Lyon ayant le bon age. Oui parce que je cherche quelqu’un qui grosso-modo mon age. A la fois parce que je ne comprend pas Snapchat donc en dessous de 25 ans, la communication va être compliquée et que vu ma situation, il serait préférable de rencontrer queqlu’un pas trop effrayée par ces mots que ne comprend pas toujours Robin! Disons donc entre 25 et 39 ans. Selon la démographie lyonaise, cela concerne 25% de la population.
  • R : L’équation de Backus cherchait à ce stade le nombre de personnes ayant au moins un niveau universitaire. Comme cela m’intéresse peu, on va remplacer ce terme par le nombre de lyonnaise, avec le bon age, qui ont un accès à internet (oui j’insiste). Vous l’aurez aussi compris, à ce stade, autant vous dire qu’on ne trouve aucun chiffre, donc on va placer cela un peu au dessus de la moyenne nationale, à 90%
  • E : Enfin, important, la fraction de ces femmes que je trouve attirantes. On a tous des goûts différents, je vais donc dire que je suis attiré par une femme sur vingt, soit 5% des femmes considérées.

(chiffres démographiques trouvés sur wikipedia (ici et la) et sut l’internaute, n’étant pas le coeur du propos, ils ont été pris comme tel sans plus de vérifications)

Il reste plus qu’à faire le calcul pour trouver qu’à Lyon je peux trouver 2970 potentielles âmes soeurs. Le chiffre parait pas trop mal mais encore faut-il maintenant considérer le goût de ces demoiselles (surtout si elles lisent cet article) et si comme moi elles ne sont attirées que par un homme sur vingt, cela nous amène à environ 150 femmes compatibles à Lyon. Ramené à la population lyonnaise, cela m’amène à environ 1 chance sur 3200 de rencontrer cette personne, ce qui me fait plus de chances de mourir en faisant de l’escalade que de rencontrer quelqu’un…

Et si vous pensez que P. Backus est un grand malade c’est sans doute un peu vrai. Mais contrairement à ses prédictions, il s’est finalement marié il y a quelques années.

Améliorons un peu la chose… les sites de rencontre

Si l’on regarde un peu comment améliorer la chose, je ne vais pas changer d’orientation sexuelle ni l’age de la realtion que je recherche, au final, le seul critère sur lequel on peut vraiment jouer, c’est le nombre de personnes que l’on considère, il faut sortir de Lyon, aller dans un univers bien plus peuplé… les sites de rencontre!

Il existe un paquet de ces sites et l’un des plus populaire a été créé par une bande de mathématiciens de Harvard : OKCupid. En bon matheux, ils ont créé un merveilleux algorithme pour trouver l’ame soeur. Il utilise un outil mathématique que vous avez probablement aussi vite appris qu’oublié : la moyenne géométrique. Le principe de ce site est de répondre à des questions sur vos goûts (par exemple “est-ce que vous croyez à l’amour grâce à l’équation de Backus?”). A chaque question vous devez donner trois informations :

  • Votre réponse, par exemple “Oui et je calcule toujours son résultat avant de tenter quoi que ce soit”
  • La/les réponse(s) que vous désirez que votre moitié donne, par exemple “Ne doit-on pas interner les gens qui utilisent ce truc dans la vraie vie??”
  • A quel point cette question est importante pour vous, de “Pas du tout importante” à “Déterminante”

Grâce à ces informations, le site peut affecter des points aux réponses de vos prétendantes. L’importance que vous portez à la question représente le nombre de point que l’on gagne si votre “cible” a la réponse désirée, de 250 points pour une question déterminante à 1 point pour une question pas du tout importante. Par contre, si les réponses ne coincident pas, zéro points sont affectés.

En calculant le nombre de point total par rapport au nombre de points maximum on obtient un pourcentage : si je répond ce que désire ma prétendante à 3 questions très importantes sur 4, je gagne 750 points sur un maximum de 1000, nous avons 75% de compatibilité. Au final donc, on a deux scores de compatibilité : mes 75% de compatibilité avec elle et ses 1% de compatibilité avec moi (si je n’ai rien répondu convenablement).

Or il faut un unique score de compatibilité, parce qu’un couple ne peut pas marcher si seulement l’un des deux est compatible. On pourrait en première approche faire une bête moyenne et dire que nous avons donc 38% de compatibilité. Mais c’est sur-estimer les chances d’un couple dont l’un des membres ne serait compatible qu’à 1% avec l’autre… Heureusement pour cela on a un autre type de moyenne, basé sur la multiplication : La racine carrée du produit des deux nombres,

M = \sqrt{a.b}

Dans notre cas, cela fait une “moyenne” de racine carrée de 75×1 soit seulement 8%! Les faibles valeur défavorisent beaucoup plus la moyenne géométrique que dans le cas d’une moyenne classique.

OKCupid a même fait une vidéo pour expliquer ce principe si vous souhaitez plus d’information!

Epilogue

Grâce à ce joyeux calcul de compatibilité, on a augmenté le nombre de personnes disponible et on peut plus facilement trouver chaussure à son pied. Alors c’est bon tout est réglé? Probablement pas, ce n’est que des math et pour finir sur une citaiton Georges E. P. Box trouvée dans l’excellent livre “The Mathematics of Love” qui m’a beaucoup aidé à préparer cette présentation :

“All models are wrong, but some are usefull”

(Merci à Mel pour le dessin d’entête réalisé en direct pendant Lyon-Science)

Références :

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