Les camarades du café ont commencé une passionnante chaine je kiffe les sciences. Après Sirtin, une dizaine d’autres blogueurs ont partagé leur kiff sur leur blog : « Pourquoi Comment Combien« , « Ca se passe là haut« , « Le webinet des curiosités« , « Tout se passe comme si« , « Pourquoi le ciel est bleu« , Alan dans « Les coulisses de Podcast Science« , « Le monde et nous« , « Sciences dessus dessous« , « Le bLoug » et « Scepticisme scientifique« .
Tout intéressants qu’ils soient, ces exemples sont finalement très loin de mon kiff à moi personnellement moi-même. Alors c’est parti pour jouer aussi à ce jeu!
Les origines
La plupart des camarades du café qui ont joué le jeu de cette chaîne ont retrouvé dans leur plus tendre enfance des souvenirs de leur « kiff » des sciences. Pour ma part, ce cri du coeur pour ce domaine d’activité humaine est arrivé bien plus tard.
Jusqu’au BAC, j’ai toujours eu des « facilités » en sciences et tout particulièrement en math, mais ces facilités ne révèlent en aucun cas un « kiff ». Alors bien sûr, ayant toujours été curieux, parfois je me passionnais ponctuellement pour un sujet (comme la 3D où j’avais imaginé un système pour voir en 3D sans lunettes qui aurait été un parfait prototype de ce que l’on voit aujourd’hui sur tout plein de DVD. Bon bien sûr mon prototype était fait de papier et ne fonctionnait que sur 2cm…), mais tout cela restait très scolaire. Jamais je ne me suis pris à lire un magazine ou livre de sciences.
Je prenais les exercices scolaires comme un jeu. Certaines parties du jeu m’amusaient naturellement plus que d’autres : j’adorais les premières démonstrations de 4e où, par une suite de phrases liées par des liens logiques, on démontre, on prouve de manière irréfutable un résultat! J’aimais moins apprendre par coeur les formules de la force d’attraction exercée par la gravité terrestre, de manière générale, le par coeur n’a jamais été mon ami.
Le vice du jeu scolaire atteignait parfois des limites quand mon père me faisait remarquer que je n’avais pas encore essayé de multiplier par le numéro de la page pour atteindre le bon résultat! Si je prends le temps de détailler cette période, c’est que je pense que comme beaucoup, je m’ennuyais parfois, d’autres je m’amusais mais pour sur je ne « kiffais » pas. L’enseignement de cette période ne développait ni ma curiosité ni mon esprit de déduction.
Reste que jamais je ne me suis vraiment demandé comment quelque chose marchait, jamais je n’ai démonté un moteur, tout au plus je tâchais de comprendre le sens des formules mathématiques qui passaient sous mes yeux sans qu’il soit prévu de nous les expliquer plus en détail.
Sortir du bac à sable
Après le bac, comme pratiquement tout élève bon en sciences dont l’un des parents est ingénieur, j’intègre les classes préparatoires aux grandes écoles. Et là, c’est la première grande révélation. C’est sans aucun doute la période de ma scolarité où l’enseignement était le plus adapté à ma façon d’apprendre. Le plus fantastique de cette période était qu’on repartait la plupart du temps de zéro; on expliquait tous les résultats depuis le début, sans supposer aucune connaissance préalable.
Ainsi, le premier cours de physique portait sur le système d’unités international, Podcast Science a fait deux épisodes là-dessus. Je découvrais alors que les unités n’étaient pas une sorte de truc inné qui fut toujours présent, mais que des gens avaient mûrement réfléchi à la chose (en fait ils s’étaient même battus pour ce résultat, mais ce genre d’anecdote historique, ce n’est pas à l’école que je l’apprendrais)! Je découvrais aussi qu’on ne peut pas faire n’importe quoi, que les unités ne sont pas là uniquement pour compliquer des exercices! Je crois que j’ai toujours eu une manière de penser très proche du monde des maths et à ce titre, les unités m’ont toujours profondément ennuyé. Je déteste aujourd’hui encore les conversions.
Mais imaginer que rien n’était dû au hasard est une idée qui m’a attrapé et ne m’a jamais relâché… Imaginer que les sciences que je découvrais étaient le résultat d’une montagne de pensée humaine était incroyable. Et surtout cela me donnait la possibilité de comprendre, de suivre la suite de résultats qui amène à la formule finale!
Le premier cours de mathématiques portait sur les bases de la logique c’est à dire définir ce que veut dire « La propriété A implique la propriété B ». Je découvrais alors ces mathématiques que j’aime encore aujourd’hui où tout est dit, tout est accessible, tout est défini et où l’on doit démontrer tout ce que l’on affirme.
Le premier gros kiff fût sans doute la démonstration de « 0x0=0 ». Cette démonstration est très simple, je l’ai même présentée dans mon dossier sur le zéro. Reste que je la trouve magnifique tant c’est un résultat que tout un chacun considère évident et que ce monde étrange des mathématiciens considère comme nécessaire à démontrer.
Le plus gros kiff de cette période et qui est resté jusqu’alors, c’est la découverte de cette imagination qui peut exister en sciences. Le programme de math de première année de classe préparatoire à cette époque consistait en gros à reprendre le programme du lycée en démontrant tout, en expliquant comment cela fonctionnait. J’y ai alors découvert que ce mignon petit monde où l’on a des chiffres, qu’on additionne, qu’on soustrait, ce qui nous permet de résoudre des équations, etc. n’était que le minuscule bac à sable de l’immensité des possibilités mathématiques.
À ce stade je savais que je kiffais les maths et comptais continuer à en faire une partie de ma vie, même si le métier de mathématicien, s’il est le meilleur métier, il n’est pas forcément celui avec le plus de débouchés.
J’ai alors intégré une grande école d’ingénieur où j’ai eu la chance de faire des maths « pures », ce genre de cours où seuls les membres du cours comprennent l’intitulé, mais où, contrairement à la biologie par exemple, n’importe qui connaît chaque terme pris à part, c’est juste l’association de ces mots qui donne vite mal à la tête.
Ce passage en maths pures était très réjouissant pour l’esprit, mais force était de constater que non seulement il n’aidait pas à la socialisation (extrêmement dur de parler de ce que l’on fait), n’avait pas d’applications claires à court terme (les maths pures sont ces domaines qui servent au bout de 50 ans minimum, je caricature à peine…) et nécessitait plus de temps le nez dans les livres que j’en passais. Alors, au hasard d’un cours, je découvris une science étonnante et qui me colle à la peau depuis : le traitement d’images.
Le traitement d’images
Quand Windows 95 est arrivé, un merveilleux logiciel était livré avec : PAINT! J’ai passé plusieurs heures à dessiner sur ce logiciel, mais surtout, j’ai ouvert des images! Alors oui, en 2013, ouvrir des images sous PAINT a l’air nul, mais à une dizaine d’années au début des années 90 c’était une grande découverte du monde des pixels. Je me demandais alors qui étaient ces artistes qui faisaient des oeuvres photoréalistes en colorant un à un les pixels de la couleur exacte qu’il fallait (sans me douter une seconde que c’était fait automatiquement…)
10 ans plus tard, en 2005, je redécouvrais le traitement d’images. Une science merveilleuse avec des mathématiques assez élaborées qui ne sont pas bridées par un monde réel (dans le formidable monde des images numériques, on peut se placer dans les espaces mathématiques les plus farfelus) et avec des applications directes et compréhensibles par le commun des mortels.
Alors là, c’était mon deuxième grand kiff scientifique, j’avais non seulement un domaine scientifique où je pouvais faire des maths qui me plaisaient et je pouvais en parler, y mettre des images pour faire comprendre ce que je faisais!
En toute logique alors, je passai trois ans le nez dans des équations imagesques, travaillant justement sur ces fameux pixels! Je deviens finalement docteur en traitement d’image (tout ça pour répondre « présent! » quand on demande s’il y a un docteur dans l’avion alors qu’un passager est malade).
L’enseignement scientifique
Mon troisième kiff pour les sciences arriva encore plus tard : pendant et après cette fameuse thèse. En France, les thésards peuvent faire du « monitorat », il s’agit de donner des cours en parallèle de sa thèse. J’avais deux options :
OPTION 1 : Donner des cours en fac de bio devant des élèves ne rêvant que de ne plus jamais faire de maths de leur vie avec la consigne expresse de ne pas faire de démonstration, d’explication et de trucs hors du programme.
OPTION 2 : Présenter ce que je voulais dans la salle PI du Palais de la Découverte devant un public de 9 à 99 sans culture scientifique présupposé, mais tellement passionné qu’il a même payé pour venir me voir.
Après une hésitation aussi longue qu’une transaction boursière, j’ai choisi l’option 2. Je tombai alors dans le département de math du Palais de la Découverte qui me présenta un visage des sciences que je n’avais tout simplement jamais croisé dans mon enseignement pourtant au top de ce que propose la France.
Malgré toutes ces études, je ne suis jamais allé faire un exposé de math au Palais de la Découverte sans apprendre quelque chose et revenir en me posant tout plein de nouvelles questions. Le Palais est une source incroyable de sujets mathématiques improbables et autres casses-têtes aussi élémentaires que soulevant de vraies questions mathématiques. Notre podcast sur le Palais ou les dossiers de Robin vous donneront une bonne idée de la chose… Le Palais, c’est faire de la science à diffuser là où l’enseignement, c’est faire de la science à résoudre des problèmes!
Et donc, ce dernier kiff, ce fut de diffuser les sciences au Palais. De voir la réaction du public, de le titiller volontairement avec des questions impossibles comme la dernière évaluation de 42, de réussir à faire faire des maths à une personne qui était arrivée en vous disant « Oula non, laissez tomber, les math c’est pas fait pour moi, je suis trop nul! Je viens juste vous amener mon fils » (une vraie conséquence à la con de l’enseignement tel qu’il existe actuellement…), de voir une personne se mettre vraiment à réfléchir et pas juste à donner toutes les réponses qui lui passe par la tête (comme j’ai pu faire en « jouant » avec les exercices du collège et qui est aussi une des conséquences de cet enseignement qui demande d’apprendre par coeur sans comprendre)! Je découvrais que cette science que j’aimais tant, tout le monde ne demandait qu’à l’aimer quitte à ce qu’on veuille bien les y aider!
Et surtout, même sur le casse-tête le plus simple (celui qui sert de test d’entrée pour la salle des récréations mathématiques par exemple), découvrir qu’il existe 1001 manières de l’expliquer et qu’il existe autant de manières pour mon interlocuteur de le comprendre!
C’est aussi à cette période que je découvre la diffusion scientifique dans les livres grâce à Simon Singh (si vous n’avez jamais lu le monsieur, courrez y, en particulier sur le théorème de Fermat et le Big Bang). Il me fait découvrir la vraie histoire des sciences, celle qui est tout sauf linéaire et qui est faite d’échecs aussi intéressant que profondément fondateurs pour notre civilisation!
Nous sommes des animaux sociaux, je ne vois pas tellement l’intérêt de comprendre quelque chose pour moi seul comme je n’ai jamais compris cette mode dans les conférences scientifiques du jeu de « la plus grosse formule que personne ne comprend » (une façon de dire « je suis plus intelligent que vous » que j’ai toujours interprété comme « je ne sais pas m’exprimer en public »). La science est un sujet de réflexion, de discussion et de partage, que demander de plus!
Et les autres sciences là-dedans?
Il est vrai que là-dedans je parle surtout de mathématiques. J’ai toujours eu un rapport un peu bâtard avec les autres sciences : j’avais des bonnes notes à l’école, mais je ne « kiffais » pas. J’ai même détesté la mécanique quantique par exemple pendant un temps (maintenant ca va mieux grâce à M. Gisin entre autre). Il est vrai que certains sujets comme l’induction électromagnétique (le fonctionnement d’un haut-parleur) ou encore la thermodynamique (le fonctionnement d’un frigo) ont commencé à m’intéresser. La relativité avec son bagage mathématique m’a aussi passionné, mais c’est avec mon arrivée à Podcast Science il y a un peu plus d’un an que j’ai appris petit à petit à aimer les autres sciences. J’avais sans doute besoin, comme mon auditoire au palais, d’un interprète, un passionné qui me contamine de son amour pour cette formidable création humaine.