Billet présenté dans le cadre de l’event #psSortDuPlacard le 27 juin 2015
Nous avons passé l’émission a découvrir ce que l’on a pu apprendre sur l’amour du même bord grâce à de nombreuses observations scientifiques. Mais que peut-on apprendre sur notre comportement amoureux quand on ne nous regarde pas? Christian Rudder a justement écrit un livre sur le sujet, Dataclysm: Who We are (When We Think No One’s Looking), qui recense et analyse une dizaine d’années de données du site de rencontre OkCupid.
Peu connu en France, ce site fait partie des sites de rencontre les plus utilisés dans le monde et en particulier aux Etats-Unis. Selon l’auteur, on y trouvait en 2013 plus d’un quart des célibataires gay américains.
L’inscription sur OkCupid commence par vous demander comment vous vous définissez et par quel type de personnes vous êtes intéressé. Là-dessus, le site est plus que généreux ; il propose bien sûr Gay, Hétéro, mais aussi Bi ou beaucoup des « catégories » décrites par Citron-Vert, allant de Pansexuel à Queer en passant par Homoflexible !
Pour ma part, j’ai choisi Hétérosexuel intéressé par les Sapiosexuels. 8% des hommes et 5% des femmes se disent bisexuels sur le site.
Ce choix donne un pouvoir tout particulier, celui d’envoyer un message aux personnes des deux sexes. N’en déplaise aux bisexuels, OkCupid tend à confirmer ce que certaines études disent : rares sont les « vrais » bissexuels ; ceux qui sont intéressés par deux sexes en même temps.
En fait, seules un quart des femmes bisexuelles et 15% des hommes bisexuels envoient des messages aux deux sexes (on considère qu’une personne envoie des messages aux deux sexes quand elle envoie au moins plus de 5% de messages à chaque sexe). Les autres n’envoient des message qu’à un seul sexe. Cela ne fait que confirmer que la façon dont on se définit est bien différente de nos agissement réels.
Une fois cette première étape passée, vous pouvez choisir de montrer au monde ou non cette préférence : en cachant votre profil, il n’est visible que par les utilisateurs du site. Ce choix me paraissait anodin, très proche de celui de Facebook pour la vie privée mais il se trouve qu’on peut mettre en relation le nombre de gay ouvrant leur profil et l’acceptation de l’homosexualité de l’Etat dans lequel ils sont !
Et même la rapprocher de données sur la relation entre l’affirmation gay dans les sondages contre l’acceptation de l’homosexualité dans les états. Plus fort, on retrouve ces différences sur le site pornographique PornHub : Il y a 7% de recherche gay en plus dans les états où le mariage gay est légal.
L’étape suivante du remplissage de profil est de choisir quel type de relation vous cherchez : une relation long-terme, du sexe sans lendemain et/ou une relation court-terme (ne me demandez pas ce qu’est une relation “court-terme” qui n’est pas du sexe sans lendemain…) :
6.1% des hommes hétéros se disent intéressés par le sexe sans lendemain ;
Du coté des homosexuels, 6.9% des hommes gay et 9% des lesbiennes se disent intéressés. Ne vous emballez pas par cette faible différence, niveau appétance pour les rapports sexuels occasionnels, La seule catégorie qui détone sont les femmes hétérosexuelles : seulement 0.8% se disent intéressées par la chose!
C’est en fait dans les extrêmes que l’on retombe dans certains clichés : bien que le nombre de partenaires rapportés par les quatre groupes est sensiblement le même, 2% des hommes gays représenteraient 28% du sexe homosexuel…
Une fois tout cela fait, on peut remplir son profil. Sur celui-ci, vous êtes libre de mettre n’importe quoi. Les femmes hétéros mettront qu’elles cherchent un homme honnête (en rajoutant sans doute “si ça existe encore?”), les hommes hétéros qu’ils veulent une femme sans enfant qui sait ce qu’elle veut… Clichés?
En fait ces descriptions sont celles les plus caractéristiques de chaque groupe (je ne vous détaillerai pas ici ce que veut dire « caractéristique » mais c’est très bien défini). Chez tout le monde sauf les hommes gay, ces termes « caractéristiques » tournent autour de l’attirance physique, la famille et un peu autour de l’identité sexuelle. Pour les hommes gay, c’est une tout autre histoire, on retrouve le fameux « Velvet Rage » dont parlait Alan (en 2nd terme le plus caractéristique !) et plein d’autres références pop telles que Madonna ou Britney Spears (pas de trace de Chantal Goya).
Par contre, aucune trace de « Socially acceptable Math Nerd » qui pourtant s’était montré très efficace sur mon profil…
Une fois cette inscription terminée, on passe au plat de resistance d’OkCupid : les questions. Le site vous propose de répondre à plein de questions proposées par d’autres utilisateurs et ces questions sont une mine d’informations sans égal. Une des première questions que l’on croise est :
« Avez-vous déjà eu une relation sexuelle avec quelqu’un du même sexe que vous? »
- Oui et j’ai beaucoup aimé
- Oui et je n’ai pas aimé
- Non mais j’en ai envie
- Non et je ne le ferai jamais
Cette simple question en dit beaucoup, d’abord on remarque que 82% des hommes hétéros sont totalement opposés à une relation avec un autre homme alors que seulement 49% des femmes hétéros sont dans ce cas. Même avec seulement 51% des femmes et 18% des hommes qui ont envie de franchir le pas, on est au-delà des plus grosses estimations de la population homosexuelle. La sexualité est sans doute plu souples que ces catégories rigides.
Mais venons en à ce qui intéresse le plus l’homme hétéro que je suis : une femme sur trois a déjà eu une relation sexuelle avec une autre femme ! Vous commencez à fantasmer ? Ce n’est pas sans lien…
Il est assez difficile d’analyser les statistiques web sur les lesbiennes tant elles sont perturbées par les fantasmes masculins. « Lesbian » est par exemple le mot le plus recherché de PornHub en 2014 (mais rassurez vous, le monde va bien, “youtube” est plus recherché que “sexe”).
Cette sexualité homosexuelle féminine est en fait très liée aux fantasmes masculins et OkCupid a pu l’observer très clairement en analysant les profils et les commentaires aux questions : des références à « threesome » (partouze) et “petit ami” étaient très présentes.
Au final, au-delà de ces quelques observations, la leçon la plus importante des données d’OkCupid est qu’il n’y a pratiquement pas de différence de comportement entre les homosexuels et les hétérosexuels sur ce site de rencontre. On y retrouve le même taux d’usage de drogue, de discrimination raciale, d’attrait pour le sexe et pour les autres types de relations. Alors peut être qu’un jour on cessera de s’étonner de voir un homosexuel comme on ne s’étonne pas de voir une personne blonde, pourtant beaucoup plus rare…