Critique de « L’impensable hasard » par N. Gisin aux éditions ODILE JACOB.
Présentation
Nicolas Gisin présente dans son livre un concept que je ne connaissais personnellement pas : l’intrication quantique. Bien comprendre ce que c’est et pourquoi c’est révolutionnaire (oui, vous avez finalement réussi à me convaincre M. Gisin) n’est pas chose facile et je vais tenter ici une brève explication. “Intrication” “quantique”, deux mots peu simples.
Commençons par quantique : on en a déjà parlé ici. La physique quantique est cette branche de la physique en laquelle ne croyais pas Einstein, qui présente un monde « quantifié », ou les valeurs prises par l’énergie par exemple sont bien particulières. Elle ne sont pas « continues », on ne peut pas choisir n’importe quelle valeur.
Mais ce n’est pas tout, la physique quantique met fin au déterminisme. Une mesure donne un résultat tiré au hasard parmi une liste de résultat. Une sorte de lancer de dé ou chaque face du dé aurait plus ou moins de chance d’apparaitre. La valeur de cette mesure n’est connue que lorsque la mesure en question est faite. Avant cela, on parle d’état quantique, c’est l’information de probabilité d’apparition de chaque résultat de mesure. Dans le cas de particules quantiques, le résultat de la mesure n’est donc pas déterminé à l’avance, la mesure détermine la particule.
Le concept d’intrication seul va vous paraître simpliste. Prenez deux cartes à jouer : un as de coeur et un as de trèfle, une carte noire et une carte rouge. mélanger les sans regarder, faites les mélanger, perdez complètement la notion de où est la noire et où est la rouge. Enfermez alors chacune de ces cartes dans une enveloppe. Plus tard, les enveloppe scellée peuvent avoir voyagé et se retrouver dans des espaces très différents : l’une par exemple sur ma table à Paris et l’autre sur la table d’Alan à Lausanne. Si j’ouvre mon enveloppe et regarde la couleur de la carte, cela détermine complètement la couleur de l’autre carte. Même à distance, les couleurs des deux cartes sont toujours liées. On pourrait dire, et M. Gisin confirmera ou infirmera, que les cartes a jouées sont en intrication non quantique. Bon, il est vrai que l’intrication non-quantique n’a jamais passionnée personne, principalement parce que la couleur de la carte dans chacune des deux enveloppes était bien déterminée depuis le début, depuis le moment où l’on avait mis celles-ci dans une enveloppe.
On en arrive alors au sujet de ce livre, l’intrication quantique. Imaginez maintenant mettre en intrication des états quantiques. C’est à dire créer un système de particules liées comme les deux enveloppes sont liées. La différence avec les enveloppe qui rend cette découverte importante c’est que la mesure d’une des particules détermine totalement la mesure de l’autre mais cette mesure reste quantique, c’est à dire que le résultat de la mesure n’est connu qu’au moment où on la fait. Ainsi, on a deux particules, qui peuvent être très éloignées et pourtant, si je mesure l’une, la mesure de l’autre est instantanément déterminée sans même qu’il puisse y avoir eu à nouveau un contact entre les deux particules.
Le livre de Nicolas Gisin prend un long moment à expliquer ce nouveau concept par le biais d’un jeu, le jeu de Bell, où l’on ne peut pas gagner sans intrication. Il présente ensuite des expériences notables qui prouvent la validité de ces concepts. Enfin il présente des applications dont l’une tout a fait étonnante : la téléportation quantique qui déplace un état quantique d’un endroit à un autre.
Tout au long de ce livre est discuté le concept de non-localité. En effet l’intrication quantique donne l’impression d’une interaction à distance que la physique a rejeté depuis bien des années et qui avait été définitivement anéantie avec la relativité. C’est la question ouverte de ce livre, comment expliquer, comprendre, modéliser cette non localité?
Si vous voulez en savoir plus sur l’ouvrage, je vous invite à écouter l’épisode de podcastscience sur le sujet que vous pouvez écouter ci-dessous, nous avons eu la chance d’interviewer Mr Gisin. Vous y trouverez même une retranscription audio de cette présentation.
Avis
Comme je le dis dans l’épisode, un bon bouquin de science :
- vous fait te poser des questions
- vous énerve
- vous fais relire des chapitres
- vous apprend quelque chose sur le monde
- vous apprend quelque chose sur vous-même
Le livre de Nicolas Gisin m’a fait passé par tous ces états. Je ne compte plus les heures passées à me poser des questions et à poser des questions pour bien comprendre. J’essaie d’oublier mes énervement successifs par désaccords avec l’auteur (et je continue à en avoir, ce que je considère comme étant le signe d’un bon livre). Je ne saurais même pas dire combien de fois j’ai relu les passages sur le jeu de Bell. Et puis, surtout, j’ai découvert un merveilleux sujet scientifique et en ai appris plus sur ma façon d’appréhender les sciences.
Le livre de M. Gisin fait parti des très bon livres de diffusion scientifiques qui ne sont pas légion dans la langue de molière. Et pour couronner le tout, il existe en édition ebook, il n’y a plus à hésiter!