PodcastScience 138 – Improbable Research

Comme je l’ai déjà expliqué dans dans mon article de publication des dessins de cet épisode 138 de PodcastScience, nous avons eu l’occasion de parler d’IgNobels et autres recherches improbables.

Pour ma part, j’ai cherché l’inspiration dans un excellent bouquin du créateur du Journal of Improbable Research : « This is improbable : Cheese String Theory, Magnetic Chickens and Other WTF Research »

Voici donc mes joyeuses découvertes…

L’équation de la prostitution

De nombreuses théories essaient de modéliser d’une manière ou d’une autre la prostitution. Vous supposez sans doute que ce genre d’études sont menées par des scientifiques médiocres qui ne cherchent qu’à faire remonter leur ranking grâce à un titre aguicheur… Eh bien non! Ce n’est pas le cas, enfin…. pas tout le temps!

En effet, parfois certains scientifiques chevronnés s’y attaquent et utilisent de vrais outils mathématiques pour servir leur cause, telles que les équations différentielles. Ainsi, le « Journal of Population Economics » a diffusé en 2007 une étude au doux nom de « Who’s Watching? The Market for Prostitution Services ».

Dans cette étude, les auteurs Marina Della Giusta, Maria Laura Di Tommaso et Steinar Strom commencent par expliquer pourquoi toutes les études passées étaient fausses, se concentrant seulement sur des petits aspects de la question telle que le sexe des personnes, les opportunités… Alors que selon eux, le seul élément important dans la prostitution est le rôle joué par la stigmatisation qu’elle peut engendrer.

Ainsi, ils construisent une équation mettant en jeu 6 variables :

  • La satisfaction que vous avez à vendre votre corps
  • Votre taux de luxure
  • Le taux de biens et services vous consommez
  • La quantité de « service » que vous vendez à vos clients en tant que prositué
  • Le prix des prostitués
  • Une mesure de votre réputation

À partir de ces variables, les auteurs ont déterminé une inégalité qui doit être respectée pour que vous acceptiez de vendre votre corps. Au-delà des 6 variables, l’équation fait intervenir des dérivées partielles, c’est à dire la variation de certaines des 6 variables en fonction d’autres, par exemple :

  • La variation de la satisfaction en fonction du taux de luxure. Est-ce que votre satisfaction a tendance à augmenter avec la luxure ou plutôt à baisser.
  • Ou encore la variation de votre satisfaction en fonction de votre réputation. A quelle vitesse vous perdez de la satisfaction à perdre de la réputation.

Pour faire simple, on peut résumer l’équation avec la phrase suivante :

 » Vous commencerez à vous prostituer, quand le plaisir pris par l’augmentation de la luxure sera plus important que le déplaisir à perdre en réputation »

Ce qui finalement, parait assez naturel. Mais si vous ne vous sentez pas concerné, sachez qu’il n’est pas utile de parler prostitution pour en venir à des relations sexuelles avec un inconnu. En effet, comme il fut montré en 1989 dans l’article « Gender Differences in Receptivity to Sexual Offers » du journal « Journal of Psychology and Human Sexuality ». Cette étude permit de montrer que la très large majorité des hommes acceptent d’avoir une relation sexuelle avec une femme qui les approche. Alors qu’au contraire AUCUNE femme n’a accepté dans la même situation. L’expérience est définitive, elle fut répétée deux fois, en 1978 et 1982.

 

Étude du panier de supermarchés avec un détritus dedans

En 2004, John W. Trinkaus a publié dans Psychologial Reports l’étude « Clearing the supermarket shopping cart : an informal look » sur l’étude de comportement autour du panier de supermarchés qui a un détritus dedans et qu’on est pourtant obligé de prendre.

On connait tous cette scène. Il est déjà 20 h, mais c’est le seul moment où vous pouvez faire vos courses. Vous entrez dans le supermarché bondé, baissez le regard pour prendre un panier. Hélas, il n’en reste que deux, tous deux remplis d’un détritus… Comment allez-vous donc faire? Heureusement, il existe dans ce bas monde, un scientifique qui s’intéresse à ce genre de problèmes. Pour tout vous dire, Trinkaus a eu en 2003 l’Ig Nobel de littérature pour avoir publié plus de 80 études sur des choses qui l’agaçaient profondément :

  • Étude des personnes qui portent leur casquette à l’envers
  • Étude du statut marital des opposants aux quizz télévisuels
  • Étude des gens qui portent des chaussures de sport blanches plutôt que tout autre couleur
  • Étude des gens qui dépassent le nombre de produits autorisés dans les caisses « moins de 10 articles »
  • Observations sur les temps d’attente dans les bureaux de physiciens
  • Observations sur le Père Noël
  • etc.

Pour mener son étude sur les paniers de supermarchés, Trinkaus est resté tous les jours de semaine de 9H à 16H sur place. Il s’est uniquement intéressé à ces gens qui vident leur panier avant de l’utiliser. L’étude a montré que 69% des gens ont mis le déchet dans un autre panier, 26% l’ont mis par terre alors que seulement 5% l’ont déposé à la poubelle. Il posa alors LA question : a quel point faut-il mépriser l’autre pour remettre cette ordure qui nous empêcha de faire les courses dans de bonnes conditions dans un autre panier? Pourquoi déplacer le problème à son prochain?

Cette question est encore ouverte à ce jour.

Pirational Choices : The Economics of Infamous Pirates Practices

En 2007, Peter T. Lesson a publié une étude sur la gouvernance et l’économie des pirates. Nous parlons bien des pirates à l’ancienne, sur un bateau et attaquant d’autres bateaux comme il en existe encore dans certaines eaux (pas forcément avec une jambe de bois et un oeil de verre) par exemple dans les eaux près du Madagascar.

L’auteur explique que les pirates ont dû construire suffisamment d’ordre pour éviter les mutineries et maximiser le profit. il remarque en particulier qu’ils ont mis en place un système de vérification et une sorte de constitution pour prévenir ces problèmes. Plus impressionnants, ces systèmes ont été adoptés bien avant que les États-Unis ou le Royaume-Uni le fassent!

Il explique comment des équipages de pirates devenus trop grands pour un seul bateau se sont scindés en équipe. Cette division en équipes a en fait permis à des plus petits groupes de pirates de survivre et grossir sans se faire attaquer par les plus gros. En effet, comme l’explique Lesson, Si un gros groupe de pirates attaque plusieurs petits groupes en même temps, ceux-ci feront équipe et détruiront le gros groupe. Ainsi, il ne peut attaquer qu’un groupe en même temps et l’autre a le temps de prospérer.

Tous ces systèmes plus ou moins créés volontairement par les pirates sont encore aujourd’hui en vigueur dans nos systèmes économiques en concurrence.

 

Les vaches, un sujet passionnant.

Les vaches sont un sujet d’étude largement des plus intéressant. Par exemple, remarquant que les vaches étaient souvent effrayées par le mécanisme qui servait à récupérer le lait, des chercheurs ont cherché à comprendre l’influence du stress sur le lait de celles-ci. Pour cela, ceci ont pensé à placer un chat sur le postérieur de l’animal et de faire exploser un sac en papier toutes les deux minutes (D’autres tests ont été faits sans chat, jugé inutile). Mais rassurez-vous (?), ce n’est pas cette étude que j’avais choisi de développer…

L’étude en question s’est intéressée à un problème de loin plus important : celui de mieux comprendre et prédire le moment où les vaches se lèvent et s’assoient.

Pour étudier cet étrange phénomène, 5 chercheurs en Écosse ont été mesurés méticuleusement dans les champs, le moment où chaque vache d’un troupeau se levait et s’asseyait. Bert Tolkamp, Marie Haskel ont publié les résultats de cette observation dans le « Jornal Applied Behaviour Science ». Ils ont pu statuer sur deux de leur hypothèse.

La première, qui s’est révélée vraie, dit que plus une vache est couchée depuis longtemps, plus elle a de chance de se lever bientôt. J’entends déjà les ricanements au fond… Ça vous parait logique? Attendez alors le deuxième résultat.

La deuxième hypothèse a été invalidée. Selon leurs observations, il est impossible de prévoir quand une vache va s’assoir quand on sait depuis combien de temps elle est debout!

 

Choisir sa place sur une plage bondée.

De nouveau, des chercheurs se posent la question qu’on aurait tous dû se poser : combien de place considérons-nous acceptable pour s’installer sur la plage? Julian Edney et Nancy Jordan-Edney ont décidé de casser ce problème en 1974 avec l’article « territorial Spacing on a Beach ».

Vous connaissez tous le problème, alors que nous sommes tous en train de difficilement circuler sur un sable étrange, parsemé de corps transpirant sur leur serviette, on cherche l’ilot féérique où l’on pourra nous aussi venir cuire! Eh bien pendant que vous vous croyiez en vacances, n’imaginant pas une seconde être observé par des pervers, des scientifiques récupéraient le plus de données possible!

Après avoir étudié toutes ces informations, ils ont pu arriver à plusieurs conclusions des plus passionnantes. D’abord, plus un groupe et grand moins la place prise par personne est importante. D’autre part, contrairement aux idées reçues, les hommes ont tendance à choisir plus de place que les femmes.

Cette étude a ouvert la voie à d’autres études-. Par exemple, le même genre d’étude a été conduite sur des Allemands, montrant qu’ils avaient une tendance très forte à protéger leur domaine par des constructions de sable. D’autres études ont suivi, et pas uniquement sur les plages pour montrer que oui, définitivement, nous ne sommes pas égaux devant le besoin d’espace!

J’espère que cet épisode un peu spécial vous a plu et pour en apprendre plus n’hésitez pas, lisez le livre cité en intro!